TONGARIRO.

Un nom qui résonne comme un tambour de guerre. Le lieu en a la violence. Façonné par les volcans qui se soulèvent, qui vomissent, qui crachent… quand ils ne somnolent pas. En attendant, ils fument de manière anodines mais pourtant brûlantes. Le Parc National du Tongariro c’est ça : Une innocente et magnifique puissance.

Tukuno Heuheu IV, chef de la tribu des Ngati Tuwharetoa a fait don du territoire des volcans à la couronne d’Angleterre en 1887 afin d’éviter son morcellement par les colons et en a ainsi protégé le caractère sacré. Il est classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1990.

Ce parc fait parti de la ceinture de feu du Pacifique.

Deux semaines.

Deux semaines que nous l’attendons … ce monument néo-zélandais. La pluie ne s’arrêtait pas, ne voulait pas s’arrêter, ne le pouvait peut-être plus. Une vie à 100% d’humidité. Les vêtements qui ne sèchent pas, la tente qui ne sèche pas. Une vie de champignons, une vie qui moisie. Heureusement, il ne faisait pas (trop) froid. Seules ces gouttes impertinentes, insistantes, hautaines, se jouaient de nous et faisaient des paris contre notre moral. Nous avons tenu bon, malgré des moments de lassitudes profondes. Vous pensez peut-être qu’à un moment, nous aurions pu nous résigner et faire cette marche sous la pluie, mais au delà de l’aspect désagréable de marcher sous la pluie, cela ne sert à rien d’aller au Tongariro sans horizon car sa majesté réside aussi dans sa grandeur.

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Et là, enfin, le ciel semble se découvrir après ces 14jours d’attente. On ne peut pas se permettre de louper le coche. Le ciel nous accorde 12heures, pas une heure de plus. Le jour d’après nous retrouverons notre pluie et nos quelques mètres d’horizons.

Nous dormons presque à l’entrée du parc. Nous sommes déjà haut et la neige est tombée sur les sommets, à 1800m. Il pleut toujours aussi. Il est difficile d’espérer un beau lendemain mais nous y croyons comme on s’accroche à la dernière chance. 5h00 du matin, le réveil sonne. Mais cela fait bien deux heures que nous ne dormons déjà plus. On tourne et se retourne sans relâche, se couvrant de tout ce que nous possédons, cherchant de la chaleur, toujours plus, en essayant de gratter quelques degrés. Sans y parvenir.

5h30, on se lève. Mais la tente a gelé. Elle est en carton. Et la fermeture éclair ne peut plus s’ouvrir. La glace l’enserre. Nous n’arrivons pas à sortir !

A force de tentatives, on s’extrait de notre igloo. La journée sera fraiche, nous avons empilé tout ce que nous pouvons pour les randonnées. Arrivés au van garé toujours près de nous, les vitres sont couvertes de givre! Plus surprenant encore, après avoir gratté l’extérieur, il faut le faire à l’intérieur !

Chaque nuit difficile a son explication rationnelle.

Nous entamons la marche avec un pas vif et rythmé pour que notre corps se désengourdisse et se rappelle qu’avant, dans un passé qui n’est pourtant pas si lointain, il avait des doigts au bout de ses mains et des pieds au bout de ses jambes.

Les volcans et les grandes plaines autour sont ponctuées d’une flore unique et variée : forêt native paisseau, toundra parsemée de bruyères, de tussocks et de plantes résistantes au climat rigoureux et à la nature particulière du sol. Le début est facile. Promenade du dimanche entre des rivières et des prairies de tussocks. C’est idéal pour commencer. Nous prenons conscience de la célébrité de ce chemin. Nous croisons un nombre incalculable de marcheurs. Il y en a plus de 100 000 chaque année. Il paraît qu’en été, tu es à la queue leu leu tout le long du chemin de près de 20kms.

Beaucoup de vous nous ont demandé : « Pourquoi ? » Pourquoi avons-nous choisi cette stupide saison plutôt que de faire ce voyage en été.

Vous le savez désormais. Pour que les paysages majestueux et sauvages de la Nouvelle-Zélande le soient encore et que nous ayons cette impression égoïste, il faut l’avouer, qu’ils ne s’offrent qu’à nous.

Et pour cela, Dieu, que cette saison est belle !

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Ce jour là, sur ces terres volcaniques, il neige à faible altitude. De loin, les sommets sont recouverts d’une délicate couverture duveteuse. Et quand nous nous rapprochons, les parties les plus exposées aux vents glacés et violents se cristallisent de sculptures de stalactites époustouflantes et agressives. Ces volcans pourtant endormis avaient une vie sublimée par les nuages et le caractère souligné par la hargne de la météo.

Une journée magique, quel autre mot employer ?

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Nous commençons les dénivelés, et quittons la quiétude des plaines pour arriver sur la Lune. C’est un paysage irréel. Vraiment. Nous nous amusons à penser que si on nous informait qu’il s’agissait d’un décor de film en papier mâché, nous ne serions pas surpris. C’est trop. Oui, bien sûr. Trop grand. Trop désert, Trop caillouteux, trop coloré, trop vif… trop surprenant pour l’amener dans notre réalité.

A notre droite, le mont Ngauruhoe nous toise à 2 287 mètres. Impressionnant. Il l’est oui. Il le devient encore plus quand nous savons que nous avons prévu d’en accomplir l’ascension.

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Une des légendes raconte que, menacé de mourir de froid (jusque là on n’est pas trop surpris) sur une montagne, un grand prêtre explorateur implora les dieux de lui venir en aide. Ses prières furent exaucées puisque le feu divin voyage sous la forme de Taniwhas (créature magique marine) depuis l’île ancestrale jusqu’à la montagne qui entra alors en éruption.

En signe de reconnaissance, le prêtre donne son esclave (qui avait déjà succombé au froid), en le précipitant dans l’un des cratères. Le cône parfait du parc, imposante montagne désolée en porte désormais le nom, c’est notre mont Ngauruhoe.

Ce sommet a tout pour déchaîner les imaginations. Peter Jackson la nomme montagne du destin (Mount Doom) dans le seigneur des anneaux et ce n’est rien d’autre que LA montagne la plus importante du film puisqu’il s’agit du lieu de destruction de l’hypnotique anneau.

La gravir est un supplice pour les cent premiers mètres. Poser un pied sur les cendres pour espérer faire un pas est une blague de débutant. Tu fais un pas, il s’enfonce et tu redescends. Tu te sens comme un hamster dans sa roue qui s’épuise à courir sur un sol mouvant. A cette différence près, que le hamster, il aime sa roue. Moi, je n’ai pas aimé ma roue. Mais heureusement, plus tard, les cendres se transforment en roches volcaniques et le sol devient de nouveau ce que l’on attend de lui. Et de toute façon, il peut bien tout nous faire, on le pardonne à l’arrivée. Des fumerolles bouillantes s’échappent de la roche, le cratère s’élève comme les fortifications d’un monde imaginaire, les couleurs jonglent sur ses flans, la neige éclate pour souligner une vue étourdissante … on ne peut décidément pas lui en vouloir.

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Et s’il faut une heure et demi pour le monter, une demi heure de folie suffit pour le descendre. Tu choisis un flan où il n’y a que des cendres et tu dégringoles, façon ski pour les plus classes, façon bottes de sept lieux pour les classiques ou façon kangourou pour les nostalgiques. Tu es déjà en bas et l’idée insensée de refaire l’ascension pour te retrouver à nouveau dans cette descente t’effleure. T’effleure seulement.

Fatigué, tu reprends ta route en te rappelant que tu n’as pas encore fait la moitié de la randonnée. Les jambes accusent le contre coup dans la montée qui t’emmène aux lacs aux eaux turquoises et émeraudes.

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Comment est-ce qu’un paysage aussi fantomatique peut engendrer autant de couleurs : vert, bleu, jaune, rouge et de manière aussi singulières.

Une ancienne coulée de lave semble comme paralysée dans sa propre course. Elle est figée comme un habitant de Pompéï. Sur le vif, comme un instantané sans vie, qui suggère seulement ce qu’il a été.

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La fin de la randonnée est incompréhensible. Elle ne va pas avec la majesté du reste. Elle descend lentement, très lentement jusqu’en bas. Sans qu’il y en ait besoin. Pas de cratères à contourner, pas de chemins difficiles. Rien. Juste une plaine qui tale nos pieds, puis une forêt. Nous en avons encore pour deux heures. Nous nous mettons à courir pour terminer ce morceau de marche qui n’en finit pas.

La journée se couche, la pluie se lève.

Tongariro …

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4 réflexions au sujet de « TONGARIRO. »

  1. Merci pour tous tes articles !!! Avec vous, je revis « notre » Tongariro, magique avec ses lacs de turquoise, son cratère rouge qui porte la Vulve de la Terre sous un ciel bleu profond, dense et parfait.
    Belle suite à vous et à bientôt dans la Drôme en été : vous pourrez enfin vous sécher !
    Big bizz. Philippe et Joëlle

  2. que sont devenus nos valeureux explorateurs ? quel esprit jaloux les a soustrait à notre vue nous laissant un grand vide ? et toujours  » Anne ma sœur Anne ……………
    Mireille R.K.

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