TONGARIRO.

Un nom qui résonne comme un tambour de guerre. Le lieu en a la violence. Façonné par les volcans qui se soulèvent, qui vomissent, qui crachent… quand ils ne somnolent pas. En attendant, ils fument de manière anodines mais pourtant brûlantes. Le Parc National du Tongariro c’est ça : Une innocente et magnifique puissance.

Tukuno Heuheu IV, chef de la tribu des Ngati Tuwharetoa a fait don du territoire des volcans à la couronne d’Angleterre en 1887 afin d’éviter son morcellement par les colons et en a ainsi protégé le caractère sacré. Il est classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1990.

Ce parc fait parti de la ceinture de feu du Pacifique.

Deux semaines.

Deux semaines que nous l’attendons … ce monument néo-zélandais. La pluie ne s’arrêtait pas, ne voulait pas s’arrêter, ne le pouvait peut-être plus. Une vie à 100% d’humidité. Les vêtements qui ne sèchent pas, la tente qui ne sèche pas. Une vie de champignons, une vie qui moisie. Heureusement, il ne faisait pas (trop) froid. Seules ces gouttes impertinentes, insistantes, hautaines, se jouaient de nous et faisaient des paris contre notre moral. Nous avons tenu bon, malgré des moments de lassitudes profondes. Vous pensez peut-être qu’à un moment, nous aurions pu nous résigner et faire cette marche sous la pluie, mais au delà de l’aspect désagréable de marcher sous la pluie, cela ne sert à rien d’aller au Tongariro sans horizon car sa majesté réside aussi dans sa grandeur.

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Et là, enfin, le ciel semble se découvrir après ces 14jours d’attente. On ne peut pas se permettre de louper le coche. Le ciel nous accorde 12heures, pas une heure de plus. Le jour d’après nous retrouverons notre pluie et nos quelques mètres d’horizons.

Nous dormons presque à l’entrée du parc. Nous sommes déjà haut et la neige est tombée sur les sommets, à 1800m. Il pleut toujours aussi. Il est difficile d’espérer un beau lendemain mais nous y croyons comme on s’accroche à la dernière chance. 5h00 du matin, le réveil sonne. Mais cela fait bien deux heures que nous ne dormons déjà plus. On tourne et se retourne sans relâche, se couvrant de tout ce que nous possédons, cherchant de la chaleur, toujours plus, en essayant de gratter quelques degrés. Sans y parvenir.

5h30, on se lève. Mais la tente a gelé. Elle est en carton. Et la fermeture éclair ne peut plus s’ouvrir. La glace l’enserre. Nous n’arrivons pas à sortir !

A force de tentatives, on s’extrait de notre igloo. La journée sera fraiche, nous avons empilé tout ce que nous pouvons pour les randonnées. Arrivés au van garé toujours près de nous, les vitres sont couvertes de givre! Plus surprenant encore, après avoir gratté l’extérieur, il faut le faire à l’intérieur !

Chaque nuit difficile a son explication rationnelle.

Nous entamons la marche avec un pas vif et rythmé pour que notre corps se désengourdisse et se rappelle qu’avant, dans un passé qui n’est pourtant pas si lointain, il avait des doigts au bout de ses mains et des pieds au bout de ses jambes.

Les volcans et les grandes plaines autour sont ponctuées d’une flore unique et variée : forêt native paisseau, toundra parsemée de bruyères, de tussocks et de plantes résistantes au climat rigoureux et à la nature particulière du sol. Le début est facile. Promenade du dimanche entre des rivières et des prairies de tussocks. C’est idéal pour commencer. Nous prenons conscience de la célébrité de ce chemin. Nous croisons un nombre incalculable de marcheurs. Il y en a plus de 100 000 chaque année. Il paraît qu’en été, tu es à la queue leu leu tout le long du chemin de près de 20kms.

Beaucoup de vous nous ont demandé : « Pourquoi ? » Pourquoi avons-nous choisi cette stupide saison plutôt que de faire ce voyage en été.

Vous le savez désormais. Pour que les paysages majestueux et sauvages de la Nouvelle-Zélande le soient encore et que nous ayons cette impression égoïste, il faut l’avouer, qu’ils ne s’offrent qu’à nous.

Et pour cela, Dieu, que cette saison est belle !

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Ce jour là, sur ces terres volcaniques, il neige à faible altitude. De loin, les sommets sont recouverts d’une délicate couverture duveteuse. Et quand nous nous rapprochons, les parties les plus exposées aux vents glacés et violents se cristallisent de sculptures de stalactites époustouflantes et agressives. Ces volcans pourtant endormis avaient une vie sublimée par les nuages et le caractère souligné par la hargne de la météo.

Une journée magique, quel autre mot employer ?

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Nous commençons les dénivelés, et quittons la quiétude des plaines pour arriver sur la Lune. C’est un paysage irréel. Vraiment. Nous nous amusons à penser que si on nous informait qu’il s’agissait d’un décor de film en papier mâché, nous ne serions pas surpris. C’est trop. Oui, bien sûr. Trop grand. Trop désert, Trop caillouteux, trop coloré, trop vif… trop surprenant pour l’amener dans notre réalité.

A notre droite, le mont Ngauruhoe nous toise à 2 287 mètres. Impressionnant. Il l’est oui. Il le devient encore plus quand nous savons que nous avons prévu d’en accomplir l’ascension.

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Une des légendes raconte que, menacé de mourir de froid (jusque là on n’est pas trop surpris) sur une montagne, un grand prêtre explorateur implora les dieux de lui venir en aide. Ses prières furent exaucées puisque le feu divin voyage sous la forme de Taniwhas (créature magique marine) depuis l’île ancestrale jusqu’à la montagne qui entra alors en éruption.

En signe de reconnaissance, le prêtre donne son esclave (qui avait déjà succombé au froid), en le précipitant dans l’un des cratères. Le cône parfait du parc, imposante montagne désolée en porte désormais le nom, c’est notre mont Ngauruhoe.

Ce sommet a tout pour déchaîner les imaginations. Peter Jackson la nomme montagne du destin (Mount Doom) dans le seigneur des anneaux et ce n’est rien d’autre que LA montagne la plus importante du film puisqu’il s’agit du lieu de destruction de l’hypnotique anneau.

La gravir est un supplice pour les cent premiers mètres. Poser un pied sur les cendres pour espérer faire un pas est une blague de débutant. Tu fais un pas, il s’enfonce et tu redescends. Tu te sens comme un hamster dans sa roue qui s’épuise à courir sur un sol mouvant. A cette différence près, que le hamster, il aime sa roue. Moi, je n’ai pas aimé ma roue. Mais heureusement, plus tard, les cendres se transforment en roches volcaniques et le sol devient de nouveau ce que l’on attend de lui. Et de toute façon, il peut bien tout nous faire, on le pardonne à l’arrivée. Des fumerolles bouillantes s’échappent de la roche, le cratère s’élève comme les fortifications d’un monde imaginaire, les couleurs jonglent sur ses flans, la neige éclate pour souligner une vue étourdissante … on ne peut décidément pas lui en vouloir.

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Et s’il faut une heure et demi pour le monter, une demi heure de folie suffit pour le descendre. Tu choisis un flan où il n’y a que des cendres et tu dégringoles, façon ski pour les plus classes, façon bottes de sept lieux pour les classiques ou façon kangourou pour les nostalgiques. Tu es déjà en bas et l’idée insensée de refaire l’ascension pour te retrouver à nouveau dans cette descente t’effleure. T’effleure seulement.

Fatigué, tu reprends ta route en te rappelant que tu n’as pas encore fait la moitié de la randonnée. Les jambes accusent le contre coup dans la montée qui t’emmène aux lacs aux eaux turquoises et émeraudes.

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Comment est-ce qu’un paysage aussi fantomatique peut engendrer autant de couleurs : vert, bleu, jaune, rouge et de manière aussi singulières.

Une ancienne coulée de lave semble comme paralysée dans sa propre course. Elle est figée comme un habitant de Pompéï. Sur le vif, comme un instantané sans vie, qui suggère seulement ce qu’il a été.

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La fin de la randonnée est incompréhensible. Elle ne va pas avec la majesté du reste. Elle descend lentement, très lentement jusqu’en bas. Sans qu’il y en ait besoin. Pas de cratères à contourner, pas de chemins difficiles. Rien. Juste une plaine qui tale nos pieds, puis une forêt. Nous en avons encore pour deux heures. Nous nous mettons à courir pour terminer ce morceau de marche qui n’en finit pas.

La journée se couche, la pluie se lève.

Tongariro …

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Milford Sound

Il est 6h30 quand nous nous réveillons au campement.
Il fait nuit bien sûr.
Je crains encore plus de ne jamais arriver à temps.
Qui prendrait des autostoppeurs entourés de brume au petit matin ?

Je prends les devants. J’aperçois les lampes de poches d’autres campeurs qui frétillent dans la nuit.

** interrogatoire **
-« Vous allez à Milford Sound ? »
-« Vous prenez la croisière de 9h00 ? »

** yeux de biches – inutiles dans le noir – **
-« Vous pouvez-nous emmener ? »

Généralement je ne vais pas demander directement aux gens car très souvent ils se sentent obligés et je n’ai aucune envie de contraindre les gens à quoi que ce soit … mais là, il y a urgence.

Marie,
Paul,
Amélie.
Trois français nous font de la place, nous et nos sacs encombrants, dans leur petite voiture de location rouge. Heureusement, l’amie du couple, Amélie était de passage pour les voir, ils avaient donc dû louer une voiture, sans ça ils n’auraient pas eu la sécurité de nous prendre puisqu’ils voyagent en break le matelas prenant toute la place arrière.
Merci Amélie !
Pourtant française, elle nous vient tout droit de Mauritanie où elle bosse pour une boite canadienne… Elle est chercheuse d’or moderne à coup de relevés et de recherches.
Elle nous parle de l’or et du force feeding. Coutume qui cherche à engraisser les enfants filles en les obligeant à boire du lait mélangé à des dates pour qu’elles s’engraissent et que la dot du mariage soit plus élevé. Malnutrition, torture si tu n’avales pas, y compris ce que tu as régurgité. Encore du bonheur fait aux femmes.

Pour être plus gai, elle nous parle aussi de l’or des fous. Celui qui y ressemble mais n’en ai pas. Je lui montre aussi un de notre caillou trouvé sur Copland Track. Elle le regarde. Me le décrit, m’indiquant toute la cascade de sa composition.
Je suis bouche-bée et j’aime ça.
Elle conclut :
-« Tu as raison c’est un beau caillou. »
Cela confirme ma théorie de plus tu sais et plus tu vois. Pour les 99% de la planète ce caillou est un caillou, pour elle et pour les gens qui en ont les connaissances, c’est un roman, un morceau d’histoire, des possibilités, des formules, de la chimie, de la physique, des données.
Elle lit le caillou et c’est assez palpitant. Comme pour les gens qui savent faire parler un instrument, comme pour les gens qui décryptent les langues étrangères, comme pour ces gens qui connaissent les plantes, les champignons et autres bonheurs du vivant.
Mon caillou a beaucoup plus de classe aujourd’hui, mais toujours aucune valeur.
-« Tu ne le jettes pas ? »
-« Non. C’est un beau caillou. »

Et nous arrivons au Milford dont les enjeux économiques crèvent l’écran. C’est une plateforme touristique.
Nous arrivons au milieu de rien car il n’y a rien d’autres qu’un hôtel et un restaurant (pour résumer) mais nous nous garons près d’un Terminal. Un gros bâtiment pas très sexy qui est le carrefour des croisières, tout par de là. De là défilent une quinzaine de bateaux qui font chacun trois fois par jour le tour du fiord.

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(photo d’Emilie et Martin parce qu’ils ont trop la classe)

Nous montons à bord avec dans la tête notre optique de touristes pas de voyageur. Nous sommes donc satisfaits. Mitre Peak 1695m, l’un des plus hauts à pic du monde est bien haut, la cascade de Bowen (160m) et de Strirling (146m ) charrient bien de l’eau.
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(photo de Clément parce qu’il gère hachement mieux que moi)

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(Non, celle-là elle est de moi …)

Puis nous sortons du fiord, et la mer de Tasman s’étend à perte de vue.

A l’extrémité du fiord, à Anita Bay, les maoris avaient pour habitude d’affronter les rigueurs climatiques et les reliefs difficiles pour aller chercher du Jade, celui trouvé ici est différent d’autour d’Hokitika. Il y en a toujours et nous pouvons voir les barrières qui en délimitent la zone.

Le petit déjeuner servi à bord fait plaisir et le café soluble que nous transportons dans nos sacs finit de nous contenter.

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Nous savourons ce petit moment paresseux au gré des flots. Et c’est beau. Bien sûr c’est beau, bien sûr que les otaries nous amusent, que les pingouins à oeil jaunes nous fascinent, que les fiords ont un charme indéniable et que son écosystème est passionnant. L’eau du fiord est en effet bi-goût. Douce au dessus, dû aux précipitations et salée en dessous.

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Mais ce n’est pas notre plus belle endroit, non.

Il n’y a avait pas un nuage. Le ciel nous toisait de son bleu parfait. Les contrastes étaient un peu trop tranchés. Les parties au soleil était claires mais celles qui n’étaient pas encore baignés de ses rayons restaient ténébreuses, oubliant de donner une véritable harmonie au lieu.

Mais cela nous a-t-il plu ? Oui bien sûr. Mais pas séduit. Comme quoi …on devient délicats, non ?

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Quand nous arrivons sur le quai nos trois français nous attendent.
-« Cela vous dit que l’on vous ramène jusqu’à The Divide ? »

Si ce n’est pas merveilleux ça …?
Greg avait prévu un buffet à volonté mais nous ne pouvons refuser une telle gentillesse …
Et le Picard est un courageux.

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On a tué l’été indien

Une femme au cheveux noir de jais, à la peau tannée par le soleil, et à l’accent anglais goût paëlla nous réceptionne à la fin du chemin.
Nous osons demander d’où vient ce petit accent qui trainaille sans trop se cacher et qui pimente son anglais.
A notre surprise :
-« De Belgique.
(…)
-Ah mais je suis originaire du Chili. »
C’est plus clair.

Assise sur un bord de trottoir, m’appliquant à écrire en grosses lettre vertes QUEENST—, qu’une voiture s’arrête. Le nom de ma ville est estropié. Je n’ai pas eu le temps de le finir que Brandon, un San-Franciscain nous saisit au vol. Il voyage. Inde, Bouthan, Japon … Il a une voix d’un gentillesse un peu trop extreme pour que cela nous ramollisse pas le cerveau. Il pourrait faire des cassettes de relaxation ou diriger une secte… selon son égo.

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Nous laissant avec mes rêveries sur le Japon nous voilà à Frankton à la frontière de Queenstown la sportive, bifurcation qu’il nous faut prendre pour nous rendre au mythique Milford Sound.
Tout le monde en parle.
Tout le monde.
Il faut.
Je, tu, il, doi(s-t) y aller.
J’avoue ne pas me faire trop d’illusion à son sujet mais après ces randonnées sacs au dos, nous laisser nous faire transporter comme des touristes pendant une croisière nous séduit.
Il est temps de trouver un lieu pour la nuit, mais nous sommes encore en ville, planter la tente -orange- n’est pas d’une grande discrétion.

La bonne étoile ne nous regarde pas cette fois là pour le stop.
Là encore une heure et demie.
Après un pont au dessus duquel nous avions imaginé…ah non, il n’y pas de berges, un couple arrivant à sens inverse nous propose de revenir dans dix minutes pour nous prendre si nous ne sommes pas plus chanceux.
Nous ne le sommes pas.

Ces deux irlandais roublards en vacances, faisaient des allers-retours sur ce bout de route :
-« parce-que vraiment c’est trop beau. »
Lui, lâchait le volant des deux mains pour prendre sa photo par la fenêtre.
Nous trouvons une aire de repos et nous commençons à nous parer pour la nuit gardant un oeil sur les montagnes enneigées qui n’ont pas pourtant l’air d’être très hautes.

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La nuit sera froide.

Nous installons la couverture de survie sous la tente pour l’isoler de l’humidité du sol, je fabrique un matelas avec nos manteaux et nos serviettes pour Greg et pour ma part je testerais « je vide mon sac et le garde en matelas ». Chose qui fera beaucoup rire ceux que nous rencontrerons mais qui s’avèrera très efficace pour moi. L’essentiel est dans la débrouille.

Deux minutes à attendre au matin. Encore une discussion inutile, à savoir est-ce une bonne place pour faire du stop.
Une voiture se gare en catastrophe, alors qu’il pouvait le faire en sécurité sur l’aire de repos.
-« Ces sommets ne devraient pas être comme cela. C’est un temps de mois d’avril que vous avez là. Un temps hiver. Il fait 7°C à cette heure là, cette nuit ça a du descendre à 3. »
Les mauvaises nuits ont toujours une explication rationnelle.

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L’homme ne décroche pas un sourire, c’est un pince sans rire, un homme qui juge beaucoup. On lui parle de notre voyage :
-« Un an et demi en Australie et trois mois en Nouvelle Zélande ? Vous avez tout faux. »
On aimerait que ce soit une plaisanterie mais c’est difficile à penser.
On lui offre un café dans un bar-gallery au milieu de nulle part.

Te Anau.
Nous y sommes.
Heureux de quitter la voiture de cet homme, le climat était trop lourd.

Nous nous renseignons sur les croisières. Nous optons pour Go Orange (il mérite ma petite publicité). La femme de la compagnie nous renseigne sur ses prestations mais aussi sur les randonnées aux alentours, sur la route qui nous mène à Milford, le sourire au beau fixe quand elle apprend que nous sommes autostoppeurs, elle nous conseille étonnement :
– « Ne montez jamais avec des asiatiques. »

Première voiture, une seconde.
C’est un Tchèque qui nous cueille, au nom surprenant de Kamil. Il vient de la capitale, de Prague. Il nous raconte quand il partait avec ses amis dans les paysages nordistes quand il était jeune:
– » Le coup de la vie était affolant pour nous, un peu près vingt fois celui de notre pays ! Alors on est parti avec un mois de nourriture pour quatre dans la voiture… »
Le temps passe.
Kamil est photographe amateur, un peu astronaute parfois mais un coeur que l’on sent entier. Il aime les gens, les rencontres, les histoires.

La route de 120km qui mène à Milford Sound est connue pour être une des plus belle du pays. Mais ne soyez pas déçu si ,à vous, elle ne vous dit rien de plus qu’une route sympathique. Vous ferez partie des critiques, des gens qui se plaignent pourquoi pas … des gens qui nous ressemblent. La vallée d’Eglinton a son petit charme grâce aux Red Tussock, longues herbes jaunes orangées, qui ondulent au moindre souffle du vent me rappellant Bastien et Falkor d’une histoire sans fin. Une trentaine de kilomètres plus loin, les gens défilent pour se rendre à « Mirror Lakes », un lac, plutôt une sorte de marécage qui en l’absence de vent reflète les montagnes. Evidemment il y avait du vent et j’ai du mal à imaginer qu’avec la petitesse de la surface on y voit quelque chose de renversant. Nous nous arrêtons avant The Divide, départ de notre prochaine randonnée.

Nous sommes aux portes de Milford Sound, à quelques dizaines de kilomètres seulement mais j’ai peur que nous ne puissions pas trouver de voiture pour arriver
demain matin
à 8h30
pour réserver notre croisière.

Je veux celle qui part à neuf heures pour espérer voir les nuages qui font des paysages néozélandais ce qu’ils sont.
A la limite de l’enchantement,
à la limite de l’ésotérisme.
Des paysages qui vous touchent sans explication.
Je veux donner cette chance aux Milford Sound.

Les hauteurs de Wanaka

Nous sommes de retour sur la route.
Une voiture s’arrête:
-« Je ne peux prendre qu’une personne. »

Nous nous apprêtons à décliner l’offre lorsqu’il rajoute
-« mais une deuxième voiture arrive. »

Je reste donc avec Jo, charmant Allemand et Greg avec Virginie, une Hollandaise. Nous échangeons nos numéros.
-« Si vous avez besoin d’aide, ou d’un lift n’hésitez pas à appeler. »
Charmant allemand.

Nous continuons à marcher… Greg n’aurait pas dû il m’a parlé d’un plat typique du coin. Des whitebait. A ce que nous comprenons il s’agit simplement de friture qu’ils mettent en beignet mais les néo-zélandais en sont dingues. Il y a une petite baraque à Whitebait à une quarantaine de kilomètres.

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(photo web)

Nous ne levions même pas le pouce (nous n’essayons même pas avec les gros calibres, il leur est difficile de s’arrêter sur le bas côté et difficile de s’arrêter tout court) que pourtant ce camion met les gyrophares, s’arrête en plein milieu de sa voie.

-« Vous allez quelque part ? J’ai fini ma journée. »

On jette nos sacs dans sa remorque et on grimpe jusqu’à la cabine. Ce monsieur est le préposé aux pointillés des routes, blancs ou jaunes, il sait aussi faire des lignes continues. Il aime prendre les touristes pour des truffes comme il le faisait quand il conduisait des bus. Nous fait croire qu’il y a des ours dans la région mais des tout petits, pas plus haut que 50 centimètres… dans la vraie vie : des possums.

Et il rit.

Déposés à notre ch’baraque… nous encaissons le fait qu’elle soit fermée. Nous demandons la permission de planter notre tente à des enfants, qui semblaient être ceux des propriétaires. L’un d’entre eux portait une cagoule ce qui n’est jamais très accueillant mais très rapidement on en a compris la cause : Nous avions accosté aux pays des SandFlies, les horri-bles, les horri-pillantes sales bestioles néo-zélandaises. Nous nous enfermons dans notre tente, stupéfaits de voir son ciel se couvrir du noir de ses insectes.
-« Je crois qu’il pleut. »
Il ne pleuvait pas. Les gouttes d’eau fantômes étaient les grognards volants qui se tapaient contre notre toile orange, en nombre.
Presque angoissant tant ils sont incontrôlables lorsqu’ils sont si nombreux.

Nous nous endormons cernés par des millions d’yeux.

Deux slovaques nous emmènent jusqu’à la petite ville de Haast dont le pont, unique voie d’accès vers le Sud, est fermé à la nuit. Le ciel se joue encore de nous. Nous espérons être pris avant que la pluie ne le fasse.
Les nuages avancent dangereusement vers nous
Et
Trop tard.
De nouveau sous la pluie.

Les voitures défilent sans nous voir.
L’eau commence à se frayer un chemin jusqu’à nos eaux.
Nous sommes déprimés.
Nous avons froids.
Déjà une heure et demi qui nous attendons sous une pluie qui ne faiblit pas.
Une voiture rouge s’arrête.
On se mettrait presque à genoux.
La voiture nous recueille dans son habitacle chauffé.

Nos deux envoyés de Dieu sont russes : Dalhia et Georges. Terriblement sympathiques. On parle beaucoup. De tout. Du transibérien aux pilminis.
– Qu’est ce que les Français pensent des Russes ?
– On ne cautionne pas la politique russe mais on aime le peuple russe.
Le lendemain, la Russie envahissait la Crimée.

Une heure et demie pour tenter de sécher, une heure et demie avant d’arriver à la douce ville de : Wanaka.
A l’arrivée nos deux russes nous remercient et nous tendent un petit paquet blanc. Des sortes de chocolat, qui après traduction de ma Belle (soeur) Anna sembleraient être au lait concentré.
Une douceur qui nous va droit au moral sans passer par les hanches.
-« Vous nous arrachez à la pluie, vous nous conduisez pendant plus d’une heure et demi jusqu’à une ville où il fait beau et en plus vous nous offrez quelque chose. Vous inversez les rôles, c’est à nous de vous remercier ! »
-« Mais vous êtes tellement sympa ! »

russes gateaux copie

Les nuages nous laissent tranquilles et nous nous offrons le luxe de laver notre linge mais surtout de payer le séchage également. Il s’en est fallu de peu pour que je ne grimpe pas dans son tambour encore chaud.

Nous retrouvons Clément qui ponctue désormais notre voyage.

Clément est brin, le sourire en coin, l’humour en poche et un escalier de références où tout le monde peut se retrouver. Il chante des chansons françaises, ce n’est pas pour cela qu’il les apprécie mais c’est comme ça, fredonne les classiques du vieux Walt, ressort des répliques de film ou de publicités cultes, pourrit sa voiture des clips des hits parades.
Il nous remet à niveau sur ce que la France écoute, mais était ce nécessaire ?
Il n’a pas un bon coup de fourchette, ou le notre est peut-être trop gargantuesque je ne saurais dire, mais gourmand de cookies au paquet faussement fait maison à défaut d’avoir ceux de MamanCirot. Il est dandy dans cette vie butinant les plaisirs et aimant les souffrances que la rando procure.
-« Ce n’est pas vraiment la souffrance que j’aime. »
Clément est un chamois qui savoure les paysages de l’île du Sud alors oui il aime les randonnées parfois demandeuses. Et c’est un scientifique du vivant alors ne soyez pas surpris s’il se lève pour disséquer un fruit, une graine ou s’extasier sur du lichen. Mais son créneau c’est plutôt l’animal, le monogastrique, petite préférence pour le cochon (Nuf-Nuf pour ceux qui connaisse pour les autres n’attendez plus*  ). Un de ses stages et je n’en doute pas, le meilleur : proctologue de rillettes. Ce n’était pas le titre officiel mais il devait passer les pots de rillettes (oups je bave) aux rayons X pour éviter que des os ne se perdent dans ce gras béni. Mangez en paix Clément veille à ce que personne ne s’étouffe, bien que cela ait plus de classe qu’avec un Bretzel.

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Pour trinquer à nos retrouvailles nous testons notre premier vin chaud « fait-van », vin, sucre, orange pour la version la plus cheap mais nous sommes d’accord sur ce point :
le vin chaud devrait être déclarée boisson national, en tout cas pour l’île du Sud tant les températures appellent parfois à ce réconfort.
Nous restons quelques jours, histoire que le thermomètre et le temps deviennent plus… clément.

Il a fait froid encore, bien sûr mais enfin l’humidité nous a oublié et la tente est sèche. Vous ne pouvez pas imaginer le bonheur que ce détail me procure.
Clément nous quitte après nous avoir déposé au pied de l’interminable Roys Peak. 1000 mètres de dénivelé positif-comprenez à grimper-.
Nous avons retrouvé nos sacs, sbires de la gravité, qui cherchent à nous enchainer à terre. Mais nous avançons. Heureusement que Clément m’avait prévenu :
-« Tu vois le sommet dès le début mais tu auras l’impression qu’il n’arrive jamais.
Trois heures ont été nécessaires pour monter en escargot jusqu’à ce point de vue étourdissant qui domine Wanaka, avec pour simple motivation : « En mettant un pied devant l’autre, même tout petit, je suis obligée d’arriver en haut « .

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Et en effet…nous y sommes arrivés.
La vue valait l’effort, la vue valait mes épaules en tribus, la vue valait nos pas de souris qui dépassaient une première montagne, puis une autre pour arriver haut…si haut !

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Un lac.
Des îles.
Des prés.
Des montagnes.
Des sommets enneigées.
Nous voyons tout en équilibre sur ce monde.
J’ai l’impression insensée d’être en avion, les voitures en bas font effet de puces ridicules et nous voyons presque la rondeur du globe tant notre vue épouse un vaste horizon.
Les lumières et les couleurs me donnent le tournis, je ne sais plus vraiment où poser les yeux tant chaque vue est différente et pourtant aussi belle.
Les nuages s’égrainent se jouant des assauts des brises.

Nous sommes presque seuls sur notre pic.

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Le vent repousse tout les prétendants à l’émerveillement qui s’éternisent, l’ingrat. Il est fort et glacé comme ce vent d’Antarctique sait le faire.
Nous sommes finalement heureux d’avoir porté nos sacs et nous les vidons pour parer à l’arrogance de Roys et flâner sur son sommet le temps du déjeuner.

Une voix derrière nous, un anglais :
-« Aaaah, il n’y a que les Français qui savent faire de vraie pic-nique. »
Je regarde ma triste boîte de sardine qui me renvoit mon regard dans sa sauce tomate visqueuse.
Décidément les anglais ne savent pas ce qu’est un vrai pic-nique…. J’avale une chips pour passer le goût de ce truc plein d’arrêtes et nous amorçons notre descente.

 

* Découvrez un de mes meilleurs copains : https://www.youtube.com/watch?v=JaBIffQ20aM

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Les bains de Dieu

Nous replions notre tente. En recherchant une sardine nous tombons sur une pierre verte.

De la jade ? Nous ne savons pas et nous encombrons de pierres nos sacs déjà trop lourds mais on s’en moque même si cela n’en est pas, quel délicieux moment que de le croire. Chercher de la jade dans ce pays comme chercher de l’opale dans un autre fait partie du lieu.

Nous commençons notre marche solitaire.
Solitaire car personne ne veut de nous.
Nous souhaitons rejoindre un chemin de randonnée : Copland Track. 8heures de marche.

Il n’est pas loin.
En voiture.

Il est loin.
A pied.

Les ponts à une voie -signature néozélandaise- nous effraient, les camping-car ne faisant que peu de cas des piétons qui trainent par là.

Déjà plus d’une heure que nous marchons sur le côté de la route…
Les voitures ne sont pourtant pas rares, mais nous avons remarqué que plus la route est touristique moins les gens s’arrêtent.
Nous commençons à nous lasser. Marcher avant une marche est assez … déprimant.

Encore un pont à voie unique. Celui-ci est trop étroit et trop long pour que les voitures ne nous écrasent pas contre les parois…
Nous attendons.
Et là bas…
au loin…
Clément et le Laboureur font leur apparition.
-« Ba alors, on est bloqué ? »
Planche de salut.

Nous avions encore plus de dix kilomètres à faire.

Il est midi quand nous arrivons au début de la randonnée…
On ne part jamais aussi tard.
Et nous sommes chargés comme des mulets… ordinateur, carnets, vêtements inutiles. Le stop a ce désavantage : peu importe ce que tu fais, tu portes ta vie.

Nous en prenons notes pour nos futures voyages. Nous nous ré-équiperons de l’essentiel et de l’efficace. La liste de noël sera nomade.

Dix-huit kilomètres.
Des forêts odorantes, des racines joueuses, des roches suintantes, des ponts suspendus brinquebalants au dessus des torrents au bleu insensé et des traversées de rivières, de zones dit actives (comprenez des zones à risques d’éboulements, un panneau vous informe « Ne vous arrêtez pas les 500 prochains mètres. ») rendent la marche passionnante.

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Mais le sac à dos fait souffrir.

A la vue du panneau qui nous annonce les trois derniers kilomètres nous nous affalons déclarant une situation de crise : la pause s’impose.

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Et enfin nous découvrons la vallée,
nous découvrons les montagnes qui se découpent en équilibre au paradis.
Des verts ténébreux.
Des verts profonds.
Des verts acides.
Sur les gris tranchants, sur les blancs purs.
Nous sommes chez elles, sur leur territoire.
Je découvre les paysages alpins et j’aime ça.

On marche la tête en l’air au risque qu’elle finisse par embrasser la terre (il vaut mieux regarder où tu mets les pieds)…et nous arrivons.

La « hut »-sorte de chalets pour randonneurs est notre premier signal d’arrivée, puis, plus loin, la rivière, encore plus loin, la piste d’atterrissage des hélicoptères (question sécurité), et enfin vous tournez à gauche et vous voici au camping.
On se demandera souvent pourquoi les campings sont à ce point exilés.

Mais en même temps, quelle vue !

Nous ne voyons pas la hut, seulement la vallée qui dégringole et les montagnes étourdissantes qui nous toisent.
Evidemment nous sommes seuls.
Il n’y a jamais beaucoup de monde pour dormir sous tente.
Cela se confirmera très souvent.
Je ne vois pas ce qu’ils reprochent au froid ou à l’humidité…

Nous sortons la tente de nos sacs pour la faire sécher. Nous ne pouvons pas la poser comme ça.

Et vite, très vite, d’une énergie renouvelée nous nous rendons quelques dizaines de mètres plus loin pour visiter ce pour quoi nous étions venus ici:

NATURAL
HOT
POOLS

des piscines d’eaux chaudes naturelles.
**Je vous entends frémir aussi.**

Trois bassins.
Je trempe mon pied dans un petit filet d’eau qui ravine une terre rouge et va droit aux piscines bleu-vertes.
Et le retire aussitôt
C’est chaud.
C’est très chaud.
C’est trop chaud.

Je regarde Greg avec angoisse.
– « Ce n’est pas possible. »

Mais il y a des gens dans l’eau, j’essaie de me rassurer et les questionne.
Il y a bien des différences de températures et l’eau qui ruisselle vient directement de la source à 56°.
Passé cette frayeur, mon corps fond dans ce paradis peu profond, juste assez pour s’allonger et tout oublier.

J’en tremble encore.
Du bonheur liquide, de l’extase qui vous fait grigner les yeux comme une drogue.

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Et quand vous arrivez enfin à les ouvrir, quand votre oeil réussi à nouveau à faire une mise au point…
Ce sont les montagnes imposantes, tout autour de vous et leurs cascades funambules, à qui vous souriez niaisement.
– Croyais-tu qu’il y avait encore des lieux comme celui-là ?

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Ne cherchez pas la magie sur les photos mon objectif n’était pas assez grand pour embrasser l’espace mais c’est déjà un bon début.

Nous rencontrons Virginie une Suisse, une vraie, qui dit huitante balles, aime le chocolat et la montagne. Une vraie quoi. On parle de Bulle, de Broc… des coins de chez elle. Elle nous parle des randonnées dans ses montagnes à elle. Ca donne envie.
-Vous pouvez les faire, elles ne sont pas compliquées. Vous vous y connaissez en neige ?
– C’est à dire ?
– Ba, il faut être encordé.

AAAAAhhh oui, quand même, on maitrise plutôt bien le stade bonhomme de neige mais il semblerait que ce soit un autre niveau…. On attendra de la retrouver pour expérimenter la farandole sur les pics enneigés.

Puis Marguerite, grande et belle brune parisienne qui dégage une sérénité peu commune. De la douceur dans les traits et dans la voix. Le genre de personne qui déboulonne. Son autre est sculpteur. Elle, elle travaille à Arte, c’est elle qui dit quand le gnou se fait manger, à quel moment le soleil doit se lever, et ce que dit le papou.

Elle ficelle les documentaires pour qu’on se dise tous « C’est quand même trop bien Arte. »
Insidieusement, elle nous a rappelé nos dimanches matin paresseux du temps où nous étions sédentaires.
Lever tard.
Un café.
Puis deux.
Des tartines.
En suivant les reportages d’Arte.
Affalé sous les couettes du canapé lit.
Tas de feignasses.
– On le refera ça, hein Greg ?

Pendant ce temps le ciel avait caché ses montagnes, encore, comme si la Nouvelle Zélande faisait attention à couvrir régulièrement ses trésors pour nous éviter un décollement de la rétine à force de ne plus vouloir fermer les yeux.

Les nuages couvrent tout. Et il pleut. Beaucoup. A n’en plus finir.
Ma seule angoisse est que ce jus ne refroidisse mes pools.

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Au matin quand nous nous extrayons de la tente, cette dernière est… rigide.
Pour cause la pluie qui avait gelé.
La fraicheur de la nuit ne venait pas de nos esprits…

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Un dernier tour au paradis qui l’était resté malgré les intempéries puis nous quittons la vallée.

 

Philéas frappe encore

ImageLe ciel est dégagé au matin.
Nous pouvons entamer notre ascension d’Alex Knob qui sourit à 1303 mètres.

Heureusement -heureusement- nous partageons cette randonnée avec Clément. Le « Laboureur », son van, nous attend en bas, se chargeant de surveiller nos kilos superflus… comprenez nos bagages.

Ca monte, encore et encore, le glacier se dévoile parfois promettant un beau spectacle pour nous féliciter de cette marche jusqu’au ciel.
Mais c’est une course contre la montre. Des nuages parenthèsent le glacier cherchant à l’étrangler avant que nous puissions profiter de notre position dominante.
Enfin nous arrivons.
La vue a juste le temps de nous saisir. Comme en cuisine, Fort mais Vite.

Une minute.
Deux minutes.
Trois minutes.

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Et le glacier disparait complètement.
Laissant les nouveau arrivants, et les prochains que nous rencontrerons à la descente, fatigués, et dépités.

Car la Nouvelle-Zélande ne fait rien à moitié et bientôt nous ne voyons plus à deux mètres et pour longtemps… mais la bière est bonne.
Toujours.
Quand on a que celle là.

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Nous quittons Clément qui savourera une douche chaude dans un backpacker (auberge de jeunesse) et attendons de nouveau sur le bord de la route sans véritable succès jusqu’à temps que deux écossais en van s’arrêtent.
– Nous n’avons pas de sièges à l’arrière mais vous pouvez vous installez sur le lit, si cela vous va.
Quand ils nous ouvrent la porte un autostoppeur argentin occupe déjà les lieux.

Il y a donc deux nouveau clandestins dans ce van confortable de location.

Elle. C’est un vrai bonheur. Petite blonde pétillante. Emerveillé de la moindre parcelle de vie, de paysage, d’aventures par procuration. Elle pose beaucoup de questions dans une envie qui ne cherche pas à se cacher. Elle voudrait tout, partout , tout de suite.
Mais restera dans son van confortable et retournera en Ecosse dans une petite semaine.

Nous les laissons à Fox. La nuit tombe il faut se trouver un mètre carré…pour la tente.
Nous marchons un peu, d’une légèreté qui sent la liberté à plein nez. Nous sommes au milieu de rien, rien ne nous attend, nous ne savons pas où nous dormirons, mais peu importe, nous avons notre vie sur notre dos et la quiétude de la Nouvelle-Zélande dans nos coeurs.

Un pré descend doucement près de la rivière bleu glacière, nous sommes au dessous d’un pont où personne ne peut nous voir, le soleil fait étinceler les fleurs oranges qui éclatent tout autour de nous.

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Et puis vient le soir…
Le ciel se dégage et nous laisse apprécier la vue que nous avons depuis notre tente : le glacier.
Le moment est presque irréel.

Nous prenons conscience que cet instant ne peut se faire que grâce au nomadisme, qu’aux hasards qu’il engendrent. Nous sommes heureux d’être en Nouvelle-Zélande en stop, en tente, en aléas.

A notre réveil, le glacier veille toujours sur nous, comme il l’a fait toute la nuit.

Des couleurs froides de la vie nocturne il s’étire désormais aux couleurs chaudes de l’aube.

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What’s up on FoxNews ?

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Le ciel se charge comme la Nouvelle Zélande sait le faire. Les nuages incroyablement feignants se posent délicatement sur les versants des collines pour se reposer. Notre champ de vision s’écourte. Et les gouttelettes s’agitent dans l’air.

La nuit sera étrange.

La tente étant posée dans un trou. Seul coin d’herbe à peu près plat.

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Au matin la tente n’est pas humide, elle est trempée de cette brume qui s’est épaissie à se transformer en pluie et au matin en lourde rosée glacée.

Nous nous renseignons sur la météo-chose que nous ne faisions pour ainsi dire jamais en Australie mais qui est devenu un élément courant de notre vie ici-.
A l’office de tourisme on nous répond très gentiment:
– Je ne suis pas la météo.
On ne nous avait jamais répondu cela… Mais je suppose que c’est gentiment ce qu’on leur suggère de dire car ces deux glaciers ne sont pas connus pour avoir un climat très favorable et pour reverser les vols en hélicoptères, je suis sure que vous préfériez avoir des infos sur le Dieu brouillard qui est quasiment un mafioso tant il est puissant sur cette île du sud…
Et il faut savoir que la plupart des offices de tourisme, les « i », comme on les appelle ici, fonctionnent sur des systèmes de commissions croisés et vous pouvez aussi arborer ce « i » sans l’être officiellement et ne proposer que vos prestations …
Alors on insiste un peu. Elle clôture la conversation :
– Regardez dehors.

Nous décidons d’attendre le lendemain pour la marche que nous souhaitions faire : une marche qui arrive sur le sommet qui fait face au glacier de Franz Joseph. Quelques 1000m de dénivelé positif…autant voir quelque chose au sommet.

On mise sur Fox Glacier … à quelques kilomètres seulement, mais, on le souhaite sera dégagé.

Il l’est.

C’est le territoire des géants. Les gravats qui se sont arrachés à la montagne semblent n’être qu’un éboulis quand on regarde de loin. Les personnages qui déambulent sur leur chemin ne sont pourtant que des points, des anecdotes, des lichens.

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La vallée creusée par le glacier a des parois qui se dressent d’une quasi verticalité, pendant que les ruisseaux aux couleurs irréelles approvisionnés par les glaciers sillonnent la piste caillouteuse.

Ce paysage trop grand, trop impressionnant me rappelle des images d’Amérique du Sud … la Patagonie peut-être ?

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La vallée est presque plus belle que le glacier en lui-même. Il a cependant le mérite d’être mon premier alors oui il est beau. Oui je cherche les couleurs dans sa vie de noir et blanc. Le bleu translucide qui redonne la vie à cette montagne de glace.

Il est dur d’en apprécier la taille.

Au loin cette petite arche est en fait un pont où l’on pourrait passer à vingt, épaule contre épaule si le torrent ne charriait la fraicheur des ères glacières.

On peut marcher dessus bien sûr. Avec un tour bien sûr. Mais le glacier souffre déjà de l’inévitable réchauffement. Le chemin qui mène à lui est ponctué de panneaux indiquant jusqu’où il s’étendait.

Avant.

Alors pourquoi ne pas apprendre à l’apprécier de loin et éviter aux hélicoptères de se poser sur lui, éviter aux guides de creuser des marches pour permettre aux touristes de se dire :

– La glace…c’est froid.

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Puis le lac Matheson. Un très connu en Nouvelle-Zélande… assez étrangement. Il a juste le mérite d’être bien placé et de refléter -les années bissextiles, les jours sans vent, les jours sans brise et les jours sans pluie- le glacier.
Autant vous dire qu’il ne reflétait rien quand nous sommes passés.

Les nuages se dispersaient lentement au dessus de Franz Joseph, laissant présager une nuit fraiche mais un lendemain magique.
La magie n’a pas attendu le lendemain pour nous faire rêver.
Quelques passages de cerfs, le vol des amuseurs du ciel -le Kea, je vous en parlerais plus tard- et le soir se profilait quand nous sommes arrivés à Gilepsie beach.

Pour un coucher de soleil à 360°.

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En face de vous la mer avec sa beauté de carte postale aux couleurs saumonées, et derrière vous le glacier -ou les neiges éternelles- qui reflètent ou emprisonnent pour un dernier frisson les derniers rayons enveloppant du soleil.

Des sucreries, des gourmandises, des bonbons roses.
Comment voulez vous fermer les yeux en nouvelle-Zélande…
Chaque regard touche à la gourmandise oculaire.

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La mutation des castors-kiwis

Nous avons trainé dans les boutiques de jade comme des demoiselles un samedi dans les boutiques de fringues. D’un pas lent et d’un regard à la fois gourmand et frivole.
Nous sommes curieux.

Puis nous nous échouons comme des centaines de voyageurs dans les librairies publiques.
La librairie d’Hokitika est prise d’assaut.
Des geeks disséminés ici et là, suçant l’électricité convoitée et rare des nomades. La bibliothèque n’a plus une prise de libre, ordinateurs évidemment mais aussi téléphone, appareil photos, rasoirs et autres accessoires… C’est un peu trop.
La bibliothèque n’en est plus une. Et n’est sûrement pas une centrale électrique.

Nous veillons à user de cet avantage de branchement avec parcimonie. D’autres librairies interdiront carrément l’accès au prises, ce qui est un problème, d’autres préfèreront parquer les voyageurs dans une pièce à part, ou encore faire payer symboliquement l’accès à l’électricité (0.50centimes …). J’aime cette dernière option, car l’électricité n’est pas vitale mais un luxe.

Dans ce troupeau connecté nous retrouvons Clément, notre sauveur en cheval blanc.
Nous sommes d’accord pour partager les fraicheurs des glaciers de la côte Ouest : Franz Joseph et Fox.

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Pour s’y rendre nous croisons le petit village de Ross. Deux rues qui se croisent.
On nous avait fait l’éloge de son Fish and chips. Mais ce n’est pas cela qui nous attire… Devant le pub l’-historic Empire Hotel-, des mâles bien mâles, carrés, en marcel, la bière au ventre et à la main font face à un coin d’herbe… (ne les cherchez pas sur la photo, ce n’est pas à ce moment là que je l’ai prise 😉 ) et cette pelouse malingre témoigne d’un massacre.

Le coin est recouvert de troncs, de buches, de copeaux, de rondelles, de totems à peine ébauchés… Qu’est ce qui a bien pu se passer ici ?
Une exécution sommaire ? Des castors? Des canadiens en exils ?
Une échappée de castors canadiens… nous ne voyons pas d’autre explication.

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Deux jeunes sexagénaires en vélo nous lèvent le voile sur cette étrange tradition. Ce sont les restes d’une Wood Choping Competition. (compétition de coupe de bois ).

En quoi cela consiste-t-il ?
A couper, trancher, scier…
J’aime particulièrement l’épreuve qui consiste à tailler des encoches dans l’arbre, mettre une planche dans celle-ci pour pouvoir monter en colimaçon autour de l’arbre, pour en couper la cime.
On s’amuse à imaginer des bucherons baraques comme des montagnes en chemise à carreaux rouges et noires. Comment cela pourrait-il en entre autrement ?
Je trouve cela croustillant d’insolite, délicieux de tradition, succulent d’authenticité.
Je me promets d’en voir une avant de partir.
Une
compétition
de
Wood
Chopping.

Sounds soo great !

J’ai appris depuis, que cela existait en France également… à la différence, non des moindres, que mes gorilles néo-zélandais ne travaillent pas à la scie électrique, ce qui rend le spectacle mille fois plus savoureux.

Voici un petit aperçu de leur talents -Merci Clément-*…

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La bourgade de Ross a quelque chose hors du temps.

Le vieux bar du coin est recouvert de plaques d’immatriculation et des roues de charrettes ornementent le toit. Des harleys sont évidemment garées ici, de passage bien sur mais le tableau ne pouvait être complet sans elles. A l’entrée du village, une maison que nous croyons musée tant elle est kitchissime. Elle sent le Texas, le cowboy et les indiens, les pionniers, les ruées vers l’or, et le vieux papy sur son rocking-chair sur la terrasse. La musique folk qui se s’en échappe arrose toute la rue.

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J’entends le son des éperons des bottes de John Waynes quand nous marchons et il me semble que ma vue traduit la vie en noir et blanc.

Nous quittons cette petite bulle atypique sur ces mots:

compétition  –  de  –  wood  –  choping  

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* Pour voir encore plus de muscle ? Il y a même une vidéo !