Les hauteurs de Wanaka

Nous sommes de retour sur la route.
Une voiture s’arrête:
-« Je ne peux prendre qu’une personne. »

Nous nous apprêtons à décliner l’offre lorsqu’il rajoute
-« mais une deuxième voiture arrive. »

Je reste donc avec Jo, charmant Allemand et Greg avec Virginie, une Hollandaise. Nous échangeons nos numéros.
-« Si vous avez besoin d’aide, ou d’un lift n’hésitez pas à appeler. »
Charmant allemand.

Nous continuons à marcher… Greg n’aurait pas dû il m’a parlé d’un plat typique du coin. Des whitebait. A ce que nous comprenons il s’agit simplement de friture qu’ils mettent en beignet mais les néo-zélandais en sont dingues. Il y a une petite baraque à Whitebait à une quarantaine de kilomètres.

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(photo web)

Nous ne levions même pas le pouce (nous n’essayons même pas avec les gros calibres, il leur est difficile de s’arrêter sur le bas côté et difficile de s’arrêter tout court) que pourtant ce camion met les gyrophares, s’arrête en plein milieu de sa voie.

-« Vous allez quelque part ? J’ai fini ma journée. »

On jette nos sacs dans sa remorque et on grimpe jusqu’à la cabine. Ce monsieur est le préposé aux pointillés des routes, blancs ou jaunes, il sait aussi faire des lignes continues. Il aime prendre les touristes pour des truffes comme il le faisait quand il conduisait des bus. Nous fait croire qu’il y a des ours dans la région mais des tout petits, pas plus haut que 50 centimètres… dans la vraie vie : des possums.

Et il rit.

Déposés à notre ch’baraque… nous encaissons le fait qu’elle soit fermée. Nous demandons la permission de planter notre tente à des enfants, qui semblaient être ceux des propriétaires. L’un d’entre eux portait une cagoule ce qui n’est jamais très accueillant mais très rapidement on en a compris la cause : Nous avions accosté aux pays des SandFlies, les horri-bles, les horri-pillantes sales bestioles néo-zélandaises. Nous nous enfermons dans notre tente, stupéfaits de voir son ciel se couvrir du noir de ses insectes.
-« Je crois qu’il pleut. »
Il ne pleuvait pas. Les gouttes d’eau fantômes étaient les grognards volants qui se tapaient contre notre toile orange, en nombre.
Presque angoissant tant ils sont incontrôlables lorsqu’ils sont si nombreux.

Nous nous endormons cernés par des millions d’yeux.

Deux slovaques nous emmènent jusqu’à la petite ville de Haast dont le pont, unique voie d’accès vers le Sud, est fermé à la nuit. Le ciel se joue encore de nous. Nous espérons être pris avant que la pluie ne le fasse.
Les nuages avancent dangereusement vers nous
Et
Trop tard.
De nouveau sous la pluie.

Les voitures défilent sans nous voir.
L’eau commence à se frayer un chemin jusqu’à nos eaux.
Nous sommes déprimés.
Nous avons froids.
Déjà une heure et demi qui nous attendons sous une pluie qui ne faiblit pas.
Une voiture rouge s’arrête.
On se mettrait presque à genoux.
La voiture nous recueille dans son habitacle chauffé.

Nos deux envoyés de Dieu sont russes : Dalhia et Georges. Terriblement sympathiques. On parle beaucoup. De tout. Du transibérien aux pilminis.
– Qu’est ce que les Français pensent des Russes ?
– On ne cautionne pas la politique russe mais on aime le peuple russe.
Le lendemain, la Russie envahissait la Crimée.

Une heure et demie pour tenter de sécher, une heure et demie avant d’arriver à la douce ville de : Wanaka.
A l’arrivée nos deux russes nous remercient et nous tendent un petit paquet blanc. Des sortes de chocolat, qui après traduction de ma Belle (soeur) Anna sembleraient être au lait concentré.
Une douceur qui nous va droit au moral sans passer par les hanches.
-« Vous nous arrachez à la pluie, vous nous conduisez pendant plus d’une heure et demi jusqu’à une ville où il fait beau et en plus vous nous offrez quelque chose. Vous inversez les rôles, c’est à nous de vous remercier ! »
-« Mais vous êtes tellement sympa ! »

russes gateaux copie

Les nuages nous laissent tranquilles et nous nous offrons le luxe de laver notre linge mais surtout de payer le séchage également. Il s’en est fallu de peu pour que je ne grimpe pas dans son tambour encore chaud.

Nous retrouvons Clément qui ponctue désormais notre voyage.

Clément est brin, le sourire en coin, l’humour en poche et un escalier de références où tout le monde peut se retrouver. Il chante des chansons françaises, ce n’est pas pour cela qu’il les apprécie mais c’est comme ça, fredonne les classiques du vieux Walt, ressort des répliques de film ou de publicités cultes, pourrit sa voiture des clips des hits parades.
Il nous remet à niveau sur ce que la France écoute, mais était ce nécessaire ?
Il n’a pas un bon coup de fourchette, ou le notre est peut-être trop gargantuesque je ne saurais dire, mais gourmand de cookies au paquet faussement fait maison à défaut d’avoir ceux de MamanCirot. Il est dandy dans cette vie butinant les plaisirs et aimant les souffrances que la rando procure.
-« Ce n’est pas vraiment la souffrance que j’aime. »
Clément est un chamois qui savoure les paysages de l’île du Sud alors oui il aime les randonnées parfois demandeuses. Et c’est un scientifique du vivant alors ne soyez pas surpris s’il se lève pour disséquer un fruit, une graine ou s’extasier sur du lichen. Mais son créneau c’est plutôt l’animal, le monogastrique, petite préférence pour le cochon (Nuf-Nuf pour ceux qui connaisse pour les autres n’attendez plus*  ). Un de ses stages et je n’en doute pas, le meilleur : proctologue de rillettes. Ce n’était pas le titre officiel mais il devait passer les pots de rillettes (oups je bave) aux rayons X pour éviter que des os ne se perdent dans ce gras béni. Mangez en paix Clément veille à ce que personne ne s’étouffe, bien que cela ait plus de classe qu’avec un Bretzel.

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Pour trinquer à nos retrouvailles nous testons notre premier vin chaud « fait-van », vin, sucre, orange pour la version la plus cheap mais nous sommes d’accord sur ce point :
le vin chaud devrait être déclarée boisson national, en tout cas pour l’île du Sud tant les températures appellent parfois à ce réconfort.
Nous restons quelques jours, histoire que le thermomètre et le temps deviennent plus… clément.

Il a fait froid encore, bien sûr mais enfin l’humidité nous a oublié et la tente est sèche. Vous ne pouvez pas imaginer le bonheur que ce détail me procure.
Clément nous quitte après nous avoir déposé au pied de l’interminable Roys Peak. 1000 mètres de dénivelé positif-comprenez à grimper-.
Nous avons retrouvé nos sacs, sbires de la gravité, qui cherchent à nous enchainer à terre. Mais nous avançons. Heureusement que Clément m’avait prévenu :
-« Tu vois le sommet dès le début mais tu auras l’impression qu’il n’arrive jamais.
Trois heures ont été nécessaires pour monter en escargot jusqu’à ce point de vue étourdissant qui domine Wanaka, avec pour simple motivation : « En mettant un pied devant l’autre, même tout petit, je suis obligée d’arriver en haut « .

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Et en effet…nous y sommes arrivés.
La vue valait l’effort, la vue valait mes épaules en tribus, la vue valait nos pas de souris qui dépassaient une première montagne, puis une autre pour arriver haut…si haut !

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Un lac.
Des îles.
Des prés.
Des montagnes.
Des sommets enneigées.
Nous voyons tout en équilibre sur ce monde.
J’ai l’impression insensée d’être en avion, les voitures en bas font effet de puces ridicules et nous voyons presque la rondeur du globe tant notre vue épouse un vaste horizon.
Les lumières et les couleurs me donnent le tournis, je ne sais plus vraiment où poser les yeux tant chaque vue est différente et pourtant aussi belle.
Les nuages s’égrainent se jouant des assauts des brises.

Nous sommes presque seuls sur notre pic.

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Le vent repousse tout les prétendants à l’émerveillement qui s’éternisent, l’ingrat. Il est fort et glacé comme ce vent d’Antarctique sait le faire.
Nous sommes finalement heureux d’avoir porté nos sacs et nous les vidons pour parer à l’arrogance de Roys et flâner sur son sommet le temps du déjeuner.

Une voix derrière nous, un anglais :
-« Aaaah, il n’y a que les Français qui savent faire de vraie pic-nique. »
Je regarde ma triste boîte de sardine qui me renvoit mon regard dans sa sauce tomate visqueuse.
Décidément les anglais ne savent pas ce qu’est un vrai pic-nique…. J’avale une chips pour passer le goût de ce truc plein d’arrêtes et nous amorçons notre descente.

 

* Découvrez un de mes meilleurs copains : https://www.youtube.com/watch?v=JaBIffQ20aM

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2 réflexions au sujet de « Les hauteurs de Wanaka »

  1. Nos experiences s’écartent de plus en plus. A part l’altitude, peut être. Toujours bien contents de ne pas être sous tente, nous repassons un peu sous climat tropical histoire de quiter l’automne austral. Bref, merci à vous pour cet air frais, et pour Nuf Nuf qui n’est pas mon heros mais qui a donné son surnom.à une ex collegue du temps ou je travaillais…

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